La profession de foi rétrofuturiste : aimer l’avenir autant que nous aimons le passé, pour nos enfants.

Ce blog a pris forme dans mon esprit quelques heures à peine après la naissance de mon fils. Trop excité pour dormir, attendant fébrilement le retour du bébé, emporté par les infirmières pour une vérification d’usage, je déambulais entre le réel – les couloirs vides, la nuit qui enveloppait l’hôpital – et quelques souvenirs de ma propre enfance. Errant dans le complexe de lino, de verre et de béton, je me remémorais les heures que j’avais passées, gamin, à imaginer ce que serait le futur : l’An 2000, puis le XXIème siècle.
Depuis l’innocence de mes huit ans, je l’apercevais excitant, ce siècle à venir : futuriste, intense, mêlant des vertus éternelles à des technologies nouvelles. En quelque manière, il ressemblait à ce que serait l’album Random Access Memories des Daft Punk : relevé par les inspirations novatrices de Pharrell ou de Julian Casablanca, mais fondé sur lignes de basses de Giorgio Moroder, aéré par les riffs electrofunky de Nile Rodgers. Tourné vers le futur, mais comme un hommage au passé.
Rétrofuturiste.
A l’instant où je convoquais ces souvenirs, nous étions déjà en 2022 ; il me fallait bien comparer. L’an 2000 avait-il été à la hauteur de mes rêves d’enfant des années 80 ? Le XXIème siècle, dans lequel mon fils grandirait, serait-il aussi étourdissant que dans mes projections enfantines ?
Je mettais donc en regard les images de cités célestes et de voitures volantes avec la réalité d’un présent, pas désagréable pour tout dire, mais vaguement décevant. Et surtout, perturbant.

Les sociétés occidentales vont mal. Les générations de jeunes adultes qu’elles produisent en flux continus, cheveux violets au vent pour que l’on puisse aisément identifier leur infirmité sociale, en constituent le plus triste symptôme. Ces troupeaux d’adulescents égarés, l’air hagard, le regard vide, et parfois authentiquement malades, témoignent des perturbations de notre temps – mais aussi du fait que l’éducation qui leur a été donnée n’était pas bonne.
Or, en tant que père de jeunes enfants, l’idée de jeter sa progéniture au hasard des lubies de l’époque est insupportable. Nous voulons le meilleur pour eux – quoi qu’en pense notre temps.
Oui, j’espère que mes gosses connaîtront un futur aussi excitant que celui que j’imaginais pour moi, enfant.
Oui, j’exige qu’ils grandissent dignes, épanouis, et pleins d’humanité(s).
Ce blog sera simplement un moyen de partager mes trouvailles, d’affiner mes analyses et d’exprimer mes partis pris. Il sera aussi un moyen pour fixer, dans l’éternité du silicium, les souvenirs de mes premières années de père. Jusqu’ici, les plus belles années de ma vie.

Pour autant, cher ami rétrofuturiste, es-tu qualifié pour me donner quelque conseil que ce soit ?
Tout d’abord, cher ami lecteur, je ne cherche pas à donner des conseils, mais plutôt à exprimer un avis qui, je l’espère, pourra servir aux esprits libres à forger leurs propres convictions.
Ici, pas de témoignages navrants d’une vie quotidienne toujours pathétique à conter, pas d’astuces misérables qui tombent à plat, pas de bonne sentiments vulgairement partagés avec des inconnus. Plutôt une méditation, assortie de quelques recommandations amicales.
Chacun triera ensuite le bon grain de l’ivraie.
Et par ailleurs, non, de même qu’il n’existe pas de diplôme pour être gentilhomme, de brevet d’humanité ou de licence de citoyen, je n’ai donc pas de diplôme de père. J’en suis pourtant un.
Mais si cela peut te rassurer, ami lecteur : oui, je suis capable de lire un article scientifique (j’ai eu mon temps dans la recherche académique en sciences sociales). J’adore certes la phrase du docteur Edwards Deming : “ In God we trust. All others must bring data. ” (Nous croyons (en) Dieu. Tous les autres doivent apporter des données.). Pour autant, nous nous passerons très volontiers de citer systématiquement nos sources. Soit par fainéantise, soit parce que source, il n’y a pas. Les données certes, existent, mais elles sont : la Vie !
Je ne crois pas que Philippe Muray ait partagé une seule statistique dans un de ces livres. Qui pourrait pourtant contester l’intelligibilité sur le monde moderne qu’il nous a pourtant offerte ?

Bon, OK. Mais ce blog soit disant futuriste ne serait-il pas un peu réactionnaire, par hasard ?
C’est une question que l’on pourra poser – considérant que, régulièrement, je vais clasher l’époque, contester ses oukases, rechigner à ses endoctrinements.
Pourtant, aussi loin que mes souvenirs remontent, j’ai toujours rêvé, pour moi comme pour le monde, d’un futur futuriste (sic), à base de vaisseaux spatiaux, de pisto-laser et de planètes lointaines, colonisées par des humains sages et dignes, généralement habillés de toges immaculées (l’influence d’Ulysse 31 ? les souvenirs de cette nouvelle d’Asimov dans laquelle les femmes de Solaria sont lascivement drapées dans des châles translucides ? Je l’ignore, à vrai dire).
La disruption civilisationnelle et technologique ne m’effrayait nullement, enfant – du moins tant qu’elle renouvelait un élan humain qui me semblait fondamentalement bon, et dont je logeais inconsciemment l’origine entre Athènes et Rome.
Aujourd’hui, je crois être à peu près la même personne.
Je rêve toujours de futurs admirables, tandis que je n’ai que dédain pour les dystopies à la Mad Max, et pour toutes les utopies mal ourlées qui y mènent tout droit. Je crois au progrès – pas à son automaticité.
Suis-je donc, ou pas, un progressiste ?
Je crains en tout cas que la morale soit une, et éternelle : les (r)évolutions ne la concernent pas. J’en déduis que la bonne éducation, qui porte la loi morale comme le voyageur son balluchon, ne peut utilement évoluer que par des changements incrémentaux. Et je suis convaincu qu’il y a beaucoup plus à valoriser dans notre patrimoine immatériel immense qu’à y condamner.
Pour ce blog, Chesterton sera donc une inspiration, beaucoup plus que Joseph de Maistre : nous croyons au progrès comme sélection du meilleur parmi les nouveautés, et comme stricte addition à la crème de l’ancien. On ne rénove pas un château en y mettant le feu.
Mettant le holá sur son habituel conservatisme fulgurant, Gómez Dávila écrit : “ L’intelligence s’entraîne à découvrir des vérités nouvelles en redécouvrant de vieilles vérités ”. Tout est dit. Le meilleur du passé, le meilleur du présent, pour nous enfants.
L’ironie, dans tout cela, c’est que nous croyons, au fond, à la même éducation que nos élites de synthèse, celles qui vantent les vertus du modernisme et les disruptions du progrès, mais inscrivent quand même leurs enfants à l’école alsacienne, au cas où. Pour ceux qui ne connaissent pas : catho, rigide, tradi.
Ici, nous n’avons pas leur hypocrisie : nous ne prétendons pas que ce qui vaut pour nous ne vaudrait pas pour les autres, pour le bas peuple.
Nous n’avons pas, non plus, ni leur capital social – en nous n’en voulons pas. Nous souhaitons une éducation d’élite qui soit gratuite et accessible à tous. L’élite, ici, c’est tout le monde.
Ce blog cherchera à proposer des pistes pour éduquer nos enfants avec le meilleur de tous les temps. Comme le disait le génial Philippe Muray “ Ce n’était pas mieux avant, c’était mieux toujours ”. Ce projet sera donc, par delà la dernière mode de parenting, aussi une recherche d’éternité. Le père rétrofuturiste est un père inactuel.

Quel sera donc votre credo ?
Et bien, nous croyons en l’unité du Bien, du Bon et du Vrai.
Nous croyons aux vertus de l’enthousiasme et de l’émerveillement.
Nous aimons la nature, la mer et le ciel. Le bruit du vent dans les arbres et le roulement du ressac, l’immensité du cosmos qui enivre les nuits d’été.
Nous aimons les voitures qui roulent vite et les avions à réaction, les fusées qui décollent à pleine puissance – partant, tremblantes, à la conquête de l’espace.
Nous aimons les contes anciens, et les nouvelles de science-fiction. Nous aimons Tintin, Astérix, et Gaston Lagaffe. Nous aimons la science, la littérature d’élite, et les humanités.
Nous aimons les femmes. Nous aimons les enfants. Nous aimons la vie.
Nous ?
Votre serviteur, les quelques auteurs qui posteront ici parfois, et Chesterton aussi, sans doute, et Muray, Dávila, tant d’autres – et vous, j’espère !
Revenons-en, pour conclure, à Ulysse. Nous croyons, en somme, que le héros d’Homère et celui de la série Ulysse 31 sont une seule et même personne. Le contexte change ; les défis restent. L’aventure continue. Et nous espérons donc – même si nous n’avons pas la trempe d’être nous-même un tel héros – que nos enfants pourraient incarner Thémis et Télémaque.
Dans le dessin animé, il s’agit d’une adorable extra-terrestre (bleue) et d’un jeune garçon intrépide.
Dans la mythologie grecque, de la déesse de la justice et de l’incarnation du disciple qui parvient à l’âge adulte éclairé par la raison et endurci par le courage et l’action.
Dans les deux cas, dans les deux dimensions, dans les deux univers, dans les deux temps, passé et futur, tout cela nous va. De telles augures, de telles figures tutélaires, nous conviennent.
Le meilleur du passé, le meilleur du présent, pour nous enfants.